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Un Aspect des Relations entre l'Égypte Fatimide et l'Espagne Musulmane au Cours du XIème Siecle de Notre Ere, d'Apres de Nouveaux Documents manuscrits. (Resumé)

Mahmoud Aly Mekky


Les relations entre l'Egypte islamique et l'Andalousie continuèrent à être empreintes d'amitié jusqu'au transfert de l'État Fatimide de Kairouan (Tunis) en Egypte en l'an 358 de l'Hégire (969). C'est alors que ces relations devinrent tendues et plus tard empreintes d'hostilité, du fait que l'Andalousie se trouvait gouvernée à cette époque par les Omayyades qui avaient établi leur état dans cette partie éloignée du monde islamique depuis l'époque de 'Abd al-Rahman b. Mu'awiya al-Dakhli. Du reste on connaît la vive hostilité qui existait entre les Omayyades et les Alides : plusieurs heurts avaient eu lieu entre les Omayyades d'Andalousie et les Fatimides pendant que l'Etat de ces derniers se trouvait encore établi en Afrique (Tunisie), durant les soixante ans de leur présence en Afrique du Nord (de 296 à 358 de l'Hégire - 909 à 969).

Les Omayyades l'emportèrent dans cette lutte, grâce à la stabilisation de leur autorité en Andalousie et au renforcement de leur puissance militaire et politique sous le règne du prestigieux Khalife Andalou, 'Abd al-Rahman al-Nasir (qui gouverna de l'an 300 à 350 de l'Hégire/912 à 961). A ceci s'ajoutait le fait que le peuple de Tunisie et les autres peuples maghrébins s'étaient pénétrés du dogme sunnite et s'y étaient profondément attachés si bien que, au cours de ces soixante ans, les Fatimides furent incapables de répandre leur croyance et de la consolider dans l'esprit des masses, en dépit de la propagande intense à laquelle ils s'étaient livrés dans ce but.

Cette hostilité qui continua à marquer les relations politiques entre l'Égypte Fatimde et l'Andalousie vers la fin du quatrième siècle de l'Hégire (Xe siècle), prit parfois l'allure de chocs militaires, mais le vrai champ de lutte entre les deux États était l'Afrique du Nord et le Maghreb.

Les choses ne tardèrent pas à changer au début du cinquième siècle de l'Hégire (Xie siècle), à la suite du démantellement et du déchirement de l'État des Bani 'Umayya en l'an 399 de l'Hégire (1008) : c'est alors que commença ce que l'on est convenu d'appeler " l'époque des rois des communautés ". Quant à l'Égypte, elle était alors gouvernée par Al-Hakim bi'Amr Allah (entre 386 et 411 de l'Hégire et de 996 à 1020). Il n'y a pas de doute que les Fatimides purent respirer après l'effondrement de l'état de leurs adversaires maures en Andalousie et lorsqu'ils apprirent que Cordoue était passée, pendant un certain temps, aux mains de 'Alawis, tels les Bani Hammud, qui se déclaraient chiites. Il était donc tout naturel que les relations entre les Khalifes Fatimides de l'Egypte et certains de ces petits princes qui avaient hérité de l'État des Bani 'Umayya s'améliorent.

Nous ne devons pas cependant exagérer l'importance de ce fait, car malgré l'effondrement de l'État Maure, le peuple andalou demeura attaché au sunnisme et hostile à toute tendance chiite ou Fatimide. C'est ce qui explique d'ailleurs la répugnance des princes des communautés à se livrer à une propagande quelconque en faveur du Khalifat Fatimide en Égypte. Les Khalifes des Bani Hammud, voulaient en effet, œuvrer pour leur propre compte, non être les agents des Khalifes Fatimides de l'Egypte, et ne parvenaient pas à imposer leur pouvoir à toute l'Andalousie. Les princes qui étaient d'ascendance berbère, comme les princes des Bani Ziri à Grenade, n'avaient pas osé défier leur peuple sunnite, en entreprenant une propagande en faveur des Fatimides, bien qu'ils appartinssent aux Sanhadja qui avait hérité du pouvoir en Ifriqiya (Tunisie) au nom des Fatimides d'Égypte. Par la suite les Sanhadja eux même se révoltèrent contre leurs maîtres les Fatimides et tentèrent de se séparer du Khalifat d'Égypte, répondant ainsi aux désirs de leur peuple qui était attaché au sunnisme.

Cependant il y eut une tentative du genre en Andalousie en faveur du Khalifat Fatimides, celle de Mudjahid al-Amawi, roi de Dania et des îles Baléares et après lui de son fils, Ali b. Mudjahid, qui régnèrent de 400 à 468 de l'Hégire (1009 à 1076).

Bien que les sources historiques soient muetes au sujet de cette tentative, nous avons trouvé des documents qui se rapportent aux messages officiels adressés par Ali b. Mudjahid (qui gouverna de 436 à 468 de l'Hégire-1044 à 1076), au Khalife fatimide Al-Mastansir (427 à 487 de l'Hégire- 1035 à 1094). Ces messages ont été reproduits dans l'ouvrage Al Dhakira de l'écrivain arabe portugais, Ben Al-Sam Al-Chantarini, et dans le troisième tome des manuscrits de la collection historique royale à Madrid, ainsi que dans les manuscrits de l'Institut des études islamiques à Madrid.


Comment et pour quelles raisons les deux princes, Al Mudjahid et son fils, furent-ils les seuls à œuvrer en faveur des Fatimides, à l'exclusion de tous les autres souverains des petits royaumes d'Andalousie? Ce qu'il importe d'écarter dès le début, c'est l'idée que les deux princes avaient une foi sincère dans les principes de la doctrine Fatimide, car ils étaient tous les deux des sunnites fanatiques, tout comme d'ailleurs leurs sujets. Aussi faut-il rechercher là, non des raison idéologiques, mais bien les intérêts politiques et économiques qui les avaient poussés à agir en faveur des Fatimides.

En vérité, c'est en passant en revue la politique de ce minuscule État maritime (État de Dania et des îles Baléares) que nous trouvons l'explication des raisons réelles de cette étrange attitude politique. Al-Mudjahid suivait une politique étrangère active qu'il avait inaugurée par une entreprise audacieuse pour s'emparer de la Sardaigne en 406 de l'Hégire. Malgré l'échec de cette expédition, il ne cessa pas de se préoccuper du littoral de la Méditerranée, parce que Dania et les îles Baléares avaient été transformées sous son règne en un centre commercial de premier ordre, et que la poltique maritime de al-Mudjahid avait valu à son royaume de brillants résultats. Son royaume était devenue le plus prospère et le plus riche des pays andalous, du fait des relations commerciales étroites qu'il entretenait avec les ports de l'Afrique du Nord, de l'Europe et du bassin oriental de la Méditerranée. Pendant cette époque al-Mudjahid connut cepandant deux rivaux dangereux, les royaumes maritimes chrétiens du littoral italien : Pise, Naples et Gênes et Barcelone sur le littoral espagnol. Cette rivalité commerciale eut pour résultat de fréquentes collisions entre lui et ces royaumes chrétiens. Et c'est ce qui explique, à notre sens, l'initiative prise par al-Mudjahid en faveur du Khalifat Fatimide, dans le but réel de resserrer ses relations avec ses représentants africains en Tunisie et en Sicile. Il nous semble, en effet, que Mudjahid cherchait ainsi à conclure une alliance maritime entre ces États, sous le patronagenominal des Khalifes Fatimides, face à la force navale croissante des principautés italiennes et espagnoles.

Nous avons obtenu la confirmation de ce que nous venons d'avancer dans les neuf messages que nous avons découverts dans les manuscrits d'Al-Dhakhira, écrits au nom d'Ali b. Mudjahid à une date indéterminée, par les deux écrivains, Abu 'l-Asbagh 'Abd al 'Aziz b. Mudjahid Ashi, et Abu Amir Al-Takrini : 'Ali b. Mudjahid déclarait que son père se préoccupait toujours de l'action en faveur du Khalifat Fatimide, mais qu'il était décédé avant de l'entreprendre. On y lit également que 'Ali b. Mudjahid se glorifiait du fait qu'il était premier andalou qui s'était prononcé en faveur des Khalifes égyptiens et faisait faire la khutba en leur nom.

Le Caire
SYMPOSIUM, MILLENAIRE DU CAIRE


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