Yasmin Aga Khan


L'Amour de Curt, son "Homme des neiges" l'aide dans son grand combat.

PARIS MATCH, 6 mars 1997


Son dévouement pour Rita Hayworth, sa mère, lentement détruite par la maladie d'Alzheimer, avait bouleversé le monde. Dix ans après la mort de la star, Yasmin, la fille d'Ali Khan, anime avec passion l'Association d'Alzheimer. Et se consacre à Andrew, son fils de 12 ans, et à Curt, qui vit avec elle depuis quatre ans. Trois semaines par mois, Yasmin est avec eux dans l'Utah et, la quatrième, à New York, où elle nous a reçus.

- Vous auriez pu tranquillement jouer à la princesse des Mille et Une Nuits. Or, il y a seize ans, vous avez choisi de vous battre pour alerter l'opinion mondiale sur la maladie d'Alzheimer, dont est morte votre mère en mai 1987.

- Je me suis impliquée dans ce combat dès 1981, lorsque les médecins ont diagnostiqué que ma mère, Rita Hayworth, en était atteinte, car à l'époque, une association, qui regroupait une cinquantaine de personnes et s'efforçait de faire connaître ce fléau, m'a demandé de mener une vaste campagne, estimant que le nom de Rita Hayworth associé au mien attirerait inévitablement l'attention du public. On savait alors peu de choses sur la maladie d'Alzheimer et j'ai immédiatement accepté de relever le défi, comprenant que, si j'avais le moyens d'assister ma mère dans la lente dégradation, nombre de gens ne pouvaient faire de même avec leur proches et qu'il fallait absolument les aider.

- C'est pourquoi vous avez interrompu une prometteuse carrière de chanteuse d'opéra.

- Oui, car ma mère est précisément tombée malade au moment où je devais me rendre en Allemagne pour travailler avec un chef d'orchestre; soit je décidais d'aller faire carrière en Europe et de l'abandonner à son triste sort, soit je choisissais de rester près d'elle.

- Le bilan de votre action?

- Quatre millions de malades sont actuellement recensés sur le territoire américain et l'Association d'Alzheimer, qui compte des milliers d'adhérents, a mis en place une structure médicale permanente dans chacun des 50 États américains et dispose de 800 numéros verts destinés aux familles en détresse. Soixante-quinze pour cent des 75 millions de dollars (375 millions de francs) que nous recueillons en moyenne chaque année son affectés à la recherche, aux soins et à l'aide aux personnes défavorisées victimes de ce fléau; les 25% restants couvrent les frais de fonctionnement de l'association. Le gouvernement fédéral nous accorde une importante subvention, et je suis personnellement intervenue à l'époque auprès du président Reagan afin d'obtenir l'institution du "mois de la maladie d'Alzheimer". En dehors des meetings, des héritages dont nous bénéficions et des deux galas que j'organise chaque année à New York et à Chicago, qui rapportent près de 2 millions de dollars (10 millions de francs), nous nous mobilisons régulièrement pour alerter l'opinion.

- Votre demi-frère, l'actuel Aga Khan, est-il fier de votre oeuvre?

- J'ai tendance à penser que oui... Je suppose qu'il reconnaît que j'accomplis ma tâche sérieusement, mais de là à le formuler...

- Quel genre d'existence menez-vous?

- Je passe trois semaines par mois dans l'Utah, à Park City, une ville de montagne de 70,000 habitants, où je vis avec Curt, qui est moniteur de ski, et Andrew, mon fils de 12 ans. Là, il va à l'école et moi, je skie quotidiennement l'hiver et joue au golf l'été. Le reste du temps, je me consacre, entre fax et téléphone aux activités de l'association. Une semaine par mois, je regagne New York, où je regroupe toutes mes réunions de travail. En fait, ma mission occupe un tiers de mon temps.

- Vous vous êtes remariée, je crois?

- Sûrement pas! Je me suis mariée une première fois avec Basil Embiricos, un homme d'affaires grec, une seconde fois avec Christopher Jeffries, un promoteur immobilier new-yorkais. Les mariage est sans doute une respectable institution mais que je réserve maintenant aux autres! Cela fait quatre ans que Curt et moi sommes inséparables sans pour autant avoir envisagé de légaliser notre relation.

- Votre mère évoquait-elle avec vous sa carrière à Hollywood?

- Bien sûr. Ma mère ne racontait combien elle avait aimé travailler avec Glenn Ford et Fred Astaire. Elle adoraît cette carrière d'actrice à laquelle elle s'est entièrement consacrée et travaillait énormément, notamment la danse. Elle a douloureusement vécu les années 50-60 et l'émergence d'une nouvelle génération d'actrices, dont Kim Novak et d'autres, réalisant alors qu'il lui fallait s'effacer devant des stars qui n'hésitaient pas à se dévêtir, alors qu'elle s'y était toujours fermement refusée. Rita Hayworth, sex-symbol, était profondément prude. Elle a également souffert de l'apparition des séries télévisées, qui ont commencé à détrôner le cinéma, même si, par la suite, elle a souvent participé aux célèbres shows de Carol Burnett. La transition a sans doute été douloureuse, mais elle avait gardé des amis comme John Wayne, Burt Lancaster ou Frank Sinatra.

- Croyez-vous avoir réhabilité la réputation de Rita Hayworth?

-En alertant le monde sur les ravages de ce fléau, j'ai rétabli la dignité de ma mère. Rita Hayworth, qui symbolisait la plus grande star de son époque, a vu peu à peu son image se dégrader du fait d'une presse que s'acharnait contre elle. Aux yeux de l'opinion publique, c'était devenu une femme provoquant des scandales dans les restaurants et les avions... Malheureuse, elle buvait. De plus, les neurotransmetteurs de son cerveau étaient déjà atteints et c'est cette maladie encore inconnue qui lui faisait perdre ses jolies manières. Depuis, le public a compris ce qu'elle avait réellement subi et la presse a fait amende honorable.